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Les alchimistes des temps modernes

  • Photo du rédacteur: Eric Behaghel
    Eric Behaghel
  • 23 janv.
  • 5 min de lecture

Par Eric Behaghel Senior Advisor


Qu’attendre des actions internationales après que celles-ci se sont appréciées de 26,60% en 2024 et de 19,60% en 2023 (MSCI World en euros) ? Commençons par rappeler, qu’il y a un an, la moyenne des prévisions des grandes banques pour les marchés actions en 2024 était une hausse de 1,16%, et que, pour 2022, celle-ci était de +4,08% alors que les marchés avaient baissé de 12,78%.


L’écart est considérable quand on connaît la somme d’informations et d’analyses auxquelles les personnes qui ont produit ces prévisions ont accès. Ajoutons qu’il y a deux ans, plus de 85% des économistes prévoyaient une récession économique en 2023 ou 2024...

Nous nous garderons donc de donner des prévisions chiffrées. L’idée est de proposer un éclairage permettant d’identifier les scénarios probables et de se préparer à certaines éventualités.


Il est utile de retrouver ce qui s’est passé historiquement après que les marchés actions se sont appréciés de plus de 20% pendant deux années consécutives. Sur les 150 dernières années, cela s’est produit 10 fois (voir tableau ci-dessous). On constate que dans deux cas (années 1920 et années 1990), le marché a continué à s’apprécier fortement. Dans les autres cas, les performances des années suivantes sont plutôt aléatoires. Historiquement, il n’y a donc pas eu de « retour à la moyenne » ou de « phénomène de normalisation » systématique qui nous permettrait d’anticiper des résultats « faibles » pour compenser les « fortes » hausses récentes.


9

S&P 500: Two consecutive years of20%+ total returns and what followed

1879

1880

1881

1882

48%

24%

8%

2%

1924

1925

1926

1927

25%

29%

14%

35%

1927

1928

1929

1930

35%

37%

-3%

-23%

1935

1936

1937

1938

46%

36%

-31%

20%

1950

1951

1952

1953

28%

26%

17%

1%

1954

1955

1956

1957

47%

34%

6%

-9%

1975

1976

1977

1978

38%

23%

-6%

8%

1985

1986

1987

1988

31%

24%

0%

19%

1995

1996

1997

1998

38%

23%

33%

29%

2023

2024

2025

2026

26%

27%

??

??

Source : Shiller dataset BBG JPMAM December 29, 2024


Une particularité de la hausse de 2024 est qu’elle a été générée essentiellement par un petit nombre de très grosses entreprises. Aujourd’hui, les 10 plus grosses entreprises du S&P 500 représentent 39,9% du total de l’indice ! Si ces entreprises déçoivent par rapport aux attentes qu’elles ont générées, elles entraîneront mécaniquement le marché avec elles. Les montants en jeu sont tellement considérables qu’une telle baisse aurait un impact sur l’économie et pourrait entraîner une spirale négative.

Pour donner un ordre de grandeur, la société Apple est valorisée aujourd’hui au niveau de la totalité de la dette souveraine française. Cependant, il n’y a pas de corrélation historique forte entre la concentration de marché et sa tendance à « corriger » fortement. L’explication est que les très grandes entreprises sont elles-mêmes très diversifiées, et peuvent donc être considérées chacune comme plusieurs entreprises. A titre de comparaison, Apple représente 7,2% de l’indice S&P 500, une proportion comparable à celle d'IBM (6,4 %) en 1985 ou d’AT&T (5,5 %) en 1981.


Une autre particularité de la hausse des actions en 2024 est qu’elle a été très contrastée géographiquement. De fait, l’Eurostoxx 600 ne s’est apprécié « que » de 7,5% tandis que le CAC 40 baissait lui de 2,2%. Ce retard sera-t ’il rattrapé ? C’est difficile à dire, car un tel écart est exceptionnel.


Au début des années 2000, après la « bulle internet », le marché américain avait continué sa surperformance. Cependant, l’écart avant cette « bulle » était moins important. Le consensus prévoit une continuation de l’« exceptionnalisme » américain. Or l’exceptionnalisme est par définition « exceptionnel », et le consensus a rarement raison. Mentionnons qu’en 2024, le dollar s’est apprécié contre l’euro de 6,36% et l’or de 34,4%. La hausse du dollar est le reflet du dynamisme divergent des économies et des perspectives de taux d’intérêt. La hausse de l’or (inhabituelle en période de hausse du dollar) a été portée par les achats massifs par certaines Banques Centrales souhaitant diversifier leurs réserves.


Les principaux indices obligataires se sont appréciés de 3 à 4%, avec une surperformance remarquable des obligations à haut rendement (8%), comme en 2023.


Qu’est-ce qui pourrait influencer les marchés en 2025 ?


La situation politique en Europe, en France et en Allemagne en particulier, sera un facteur important pour donner des perspectives aux entrepreneurs de ces pays. Les investisseurs surveilleront particulièrement la capacité de la France à adopter une politique budgétaire stable, et celle de l’Allemagne à assouplir certaines règles pour relancer son économie.


La capacité de la Chine à sortir de l’ornière économique dans laquelle l’a conduite la crise immobilière sera également observée.


Mais ce sont des Etats-Unis que viendront les indicateurs les plus importants. Le programme économique du Président-élu pourrait transformer l’économie américaine de manière significative, avec des mesures audacieuses dans plusieurs domaines :


▪ Déréglementation : En allégeant les contraintes imposées aux entreprises, notamment dans les secteurs financier, énergétique et technologique, dans le but de stimuler l’innovation et la croissance.

▪ Immigration : La mise en place de politiques restrictives visant à protéger les emplois américains et à réduire le recours à une main-d’œuvre étrangère.

▪ Protectionnisme : Une augmentation des droits de douane, notamment sur les importations en provenance de la Chine, pour rééquilibrer les déficits commerciaux et relocaliser la production.

▪ Réforme fiscale : Une baisse significative des impôts pour les entreprises et les particuliers destinée à dynamiser l’économie.

▪ Baisse des dépenses : Création d’un département pour améliorer l’efficacité gouvernementale (DOGE).

▪ Ressources énergétiques : Promotion de la production de pétrole et de gaz.

▪ Cryptomonnaies : Moins de réglementation pour encourager le développement des technologies financières, comme les cryptomonnaies.


Ces mesures, ambitieuses et disruptives, visent à réinventer l’économie américaine, mais elles comportent des risques, surtout si elles sont mélangées. Les économistes s’interrogent encore sur leurs conséquences. Un retour de l’inflation, avec la spirale qui pourrait en découler de remontée des taux d’intérêt, de ralentissement économique et de volatilité des marchés, semble probable.


Au début de 2025, les marchés actions montrent des signes positifs, mais les marchés obligataires donnent des signes de nervosité (hausse des taux à 10 ans aux Etats-Unis, en Angleterre et en France) à cause des niveaux élevés de dette publique. L’incertitude est accrue et il est bon de maintenir une allocation diversifiée tant en termes d’actifs que de zones géographiques et de secteurs d’activités.


Les alchimistes de l’Antiquité procédaient à toutes sortes de mélanges dans le but découvrir la pierre philosophale, un objet mythique censé transformer les métaux en or et offrir l'immortalité. Cette poursuite, à la fois scientifique et spirituelle, symbolisait une volonté de dépasser les limites naturelles pour atteindre une prospérité sans égale. De nos jours, les ambitions des alchimistes des temps modernes semblent résonner dans certaines politiques économiques, où la promesse d'une économie plus prospère repose sur des réformes audacieuses. 2025 sera-t ’elle l’aube d’une ère nouvelle ?


A suivre. En attendant, la moyenne des attentes des analystes pour la performance des marchés actions en 2025 est de +8,1%...


"L’alchimiste, à la recherche de la pierre philosophale, découvre le phosphore et prie pour la réussite de son expérience, comme c’était la coutume des anciens astrologues chimistes"                                                         Peinture de Joseph Wright of Derby, 1771
"L’alchimiste, à la recherche de la pierre philosophale, découvre le phosphore et prie pour la réussite de son expérience, comme c’était la coutume des anciens astrologues chimistes" Peinture de Joseph Wright of Derby, 1771





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